Le Nunavik, ce pays au sein du nôtre. Ce bout de territoire, de terre sans arbres qui est plus dépaysant, selon moi, que n’importe quel autre pays ou région du monde.
À l’été 2013, je suis allée passer une semaine dans une petite communauté nommée Kangiqsujuaq, située à presque l’extrémité nord du Québec, au sein du territoire du Nunavik. Pour le travail, nous y donnions des ateliers de danse qui visaient à sensibiliser des enfants et jeunes femmes à des problématiques sociales.
Je tiens à dire que je ne suis pas spécialiste du Grand Nord québécois, mais voici ce que j’ai découvert – très humblement et modestement – de cette région de relative froideur et de beauté intense.
Beauté
Barrière du langage
Donner des ateliers de danse à des enfants qui ne parlent pas (pour la plupart) la même langue que toi peut s’avérer difficile à première vue. Mais pour vrai, le langage n’est pas une barrière quand tu as des mains, des gestes, des expressions faciales et des yeux pour communiquer. Je vous jure, ça se fait super bien!
ON a tellement à apprendre
On a tellement à apprendre des habitants du Nunavik! Leur langue, leur culture, leur mode de vie qui (pour l’instant) ne ressemble pas au nôtre. Ils vivent avec une simplicité désarmante qu’on a oubliée depuis (trop) longtemps.
Les enfants sont bourrés d’énergie, de débrouillardise, de soif d’apprendre, ils étaient capables de faire tout avec un rien. Ils étaient loin de jouir de tout ce dont les enfants «d’ici» jouissent et pourtant…
C’est NOUS les étrangers
C’est nous les étrangers, là-bas. Et c’est ça qui est beau et rafraichissant. Pas touristique pour deux cennes, on est étranger là-bas, loin d’être considéré comme touriste. Juste pleinement étranger. Étranger, car on ne connait pas tout (en fait rien de là-bas/rien par rapport à eux) et qu’on a tout à découvrir, à apprendre. Étranger parce qu’on arrive, les deux pieds dans leur monde, dans leur univers, sans aucun repère autre que ce qu’on a entendu dans les légendes et contes populaires.
Communautés auto-gérées
Plusieurs communautés (si ce n’est pas toutes) ont fondé des coopératives au lieu de se laisser envahir par des compagnies privées qui tentent de tout privatiser, de tout transformer en capitalisme. Et ils s’autogèrent avec tellement d’efficacité et de simplicité.
Dans la même veine, chaque communauté est indépendante politiquement et socialement. Dans celle où j’étais, ils ont imposé un quota sur l’alcool que pouvait se procurer une personne par mois, car il y a eu trop d’abus par le passé…
Pratiques ancestrales
Ils ne dépendent pas seulement des gens du sud (comme ils appellent le monde du sud du Québec). Ils pratiquent encore la pêche et la chasse. Cependant, à mon avis, on a tellement chamboulé leur univers en les colonisant qu’ils ont perdu un peu de leur autonomie qui devait être, avant, si belle! Postcolonialisme oblige, les gens du sud tentent de leur enlever cette riche autonomie et cette débrouillardise qui leur est propre. On voit par contre un effort de leur part pour préserver leur authenticité et je trouve ça tellement beau!
Le paysage
Le paysage. My god. C’est absolument et tellement magnifique! Il n’y a pas d’arbre, que de la toundra, des montagnes, des courants d’eau et des couchers de soleil plus formidables les uns que les autres. Sur le bord de l’eau, on aperçoit des Qarmaq (huttes de terre), des quais faits de roches et une vue à couper le souffle.
Dans la communauté où j’étais, les habitants ont peint des histoires de chasse à la baleine sur les bâtiments de la municipalité ou encore des murales démontrant des jeux qu’ils font avec leurs mains et des bouts de ficelle.
Ce que tu dois savoir si tu y voyages
Coût de la vie élevé
Le coût de la vie y est super dispendieux, même pour ses habitants : bouffe, transports, etc. Considérant que toute la marchandise vient par bateau ou avion et que, donc, on assiste à un phénomène de rareté, un poivron à l’épicerie (Coop) coûte environ 4 $ (2,92 €). Le bon côté de la chose est qu’il n’y a pas de restaurant, alors on sauve un peu d’argent là, quand même!
Juste prendre un vol aller-retour Montréal-Nunavik coute environ 3000 $ (environ 2195 €). Le transport d’humains et de marchandises ne se fait que par avion ou bateau, car aucune route terrestre ne relie les différentes communautés. On pourrait croire – avec raison, tout dépendant de la perspective – que cela crée un isolement. Mais en même temps, le beau côté de la chose est que ça conserve et génère le «naturel» et la paix de chacune des communautés. Les hôtels y sont supers chers aussi (on m’avait dit 300 $ par nuit, soit 219 €, ouch!)
Si jamais vous y allez, vous pourrez toujours essayer de trouver un autre type d’hébergement (comme louer une maison vacante). Mais oubliez les tentes; les ours polaires rôdent dans certains coins, AH!
Température
Il ne fait pas tout le temps froid dans cette région du Nord, je me suis même promenée en camisole quelques jours durant la semaine où j’y étais! Il faut seulement regarder la météo et prévoir l’essentiel dans son backpack. Prévois aussi des blizzards en hiver ou de la brume intense en été : les activités du village peuvent alors être suspendues et les avions ne peuvent atterrir et/ou décoller à cause de ça! #truestory
Une réalité qui est tellement différente
Je ne veux pas juger, mais juste faire prendre conscience. La violence, les abus et le taux de décrochage scolaire élevé = ce sont toutes des choses qui peuvent faire partie de leur quotidien. Il faut le savoir, je crois, il faut en être conscient, mais il ne faut surtout pas juger. Ils ont une éducation parfois non-conventionnelle de la vie/par rapport à la vie et c’est justement ça qui est beau. Leur éducation de la vie m’a semblé bien plus précieuse que celle qu’on reçoit ici dans le «sud».
Y aller pour le travail? Pourquoi pas!
Vu que le coût de la vie y est élevé et que ça coûte cher s’y rendre, c’est bien d’y aller avec un prétexte comme le travail. Il y a souvent des postes vacants dans les différentes communautés dans le domaine de l’enseignement, de la coordination de projets, etc. J’imagine qu’il est relativement facile d’y faire un stage (tout dépendant du domaine). Bref, y’a aussi moyen, facilement je crois, de se trouver un «prétexte» pour y aller. Pour prendre le temps d’y vivre un tant soit peu afin d’être capable d’apprécier ce que cette région et son peuple formidable a à nous offrir!
En bref
- VAS-Y DONC. Va découvrir ce bout de pays qui te dépaysera totalement. Qui te sortira de ta zone de confort, qui te fera voir et vivre quelque chose qui ne peut être que senti si tu le vis pour vrai.
- NE JUGE PAS. Tu ne connais pas, tu ne sais pas. Leur histoire est peu connue – et c’est tellement dommage! Ils ont des centaines d’années de débrouillardise et d’expérience de la vie derrière la cravate. Expérience que jamais nous n’atteindrons.
- OUVRE-TOI. Ouvre tes yeux et ton esprit. Ouvre-toi à ce peuple rempli de gentillesse, de sourire, de générosité et de bonté. Tu penses savoir quelque chose à propos de la vie? Alors parle-leur. Je te jure qu’ils vont t’en apprendre.
Comme dit plus haut, il est dispendieux de s’y rendre, mais…