L’an passé, j’ai décidé d’aller visiter l’Inde pour la première fois. Et comme si cette destination n’était pas assez corsée à mon goût, c’est dans la région du Cachemire que j’ai décidé de passer mes premières semaines.
Ce nom t’évoque vaguement quelque chose? C’était le cas pour moi aussi…et j’étais loin de me douter de l’expérience intense que je vivrais dans ce coin de pays qui est beau à en pleurer.
C’est donc avec un beau mélange de naïveté et de manque d’information que je me suis retrouvée coincée au beau milieu d’un conflit qui implique le Cachemire, l’Inde et le Pakistan depuis des années.
Conflits armés et sueurs froides au Cachemire

Lorsque j’étais dans la région, le leader cachemiri pour l’indépendance a été assassiné par l’armée indienne. Évidemment, ça a soulevé la colère des habitants, ce qui a entraîné encore plus de répression de la part des militaires. Et de jour en jour, alors que j’étais confinée à ma chambre d’hôtel, le nombre de victimes ne faisait qu’augmenter.
Dans la ville de Srinagar, un couvre-feu a été instauré nuit et jour, les routes ont été complètement bloquées (donc pas d’aéroport), et les moyens de communication coupés par l’armée. Face à cette situation, disons que j’étais pas mal impuissante. Je passais donc mes journées dans un mélange d’angoisse et d’attente…
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Tenter le tout pour le tout

Et puis, après un bout de temps, mes partenaires de voyage et moi on s’est dit que c’en était assez et qu’il fallait bouger. Parce qu’à ce rythme-là, on allait passer nos 2 mois en Inde bien enfermés dans une chambre à stresser sur ce qui se passe à l’extérieur.
C’est là qu’un habitant nous a fait une proposition un peu louche, mais on n’avait pas beaucoup d’autres options à ce moment-là. Pendant que lui passerait les barricades avec une Jeep contenant nos backpacks (nos préééécieux backpacks), de notre côté on devrait traverser la ville en cachette par la montagne. Il nous attendrait au bout du chemin pour qu’on puisse courir et sauter dans le véhicule. Un scénario digne d’un bon film d’action, sauf que ce n’était malheureusement pas de la fiction.
Une fois le plan douteux exécuté (et nos fesses bien assises dans la jeep), on n’était toutefois pas au bout de nos peines. Dix mètres plus loin, des protestants cachemiris cachés le long de la route nous attendaient avec des pierres en main. Inutile de dire qu’ils étaient furieux de voir que des gens essayaient de quitter la région.
Alors qu’ils nous menaçaient de nous attaquer si on ne sortait pas du véhicule, j’ai craqué et je me suis mise à pleurer sans retenue. Ma stratégie (qui n’en était pas une sur le coup) a semblé les étonner et ils se sont tout de suite détendus, un peu comme par magie. Au final, ils m’ont dit de ne pas pleurer et ont même fini par nous laisser passer… Victoire!! Profitant de cette trêve, notre chauffeur a pesé sur l’accélérateur avant qu’ils n’aient le temps de changer d’idée. C’est comme ça qu’on est partis en vitesse, sans regarder derrière, et plutôt euphoriques d’avoir réussi.
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Mon expérience au Cachemire, que du mauvais?

Même si mon histoire ressemble un peu à un documentaire en zone de guerre, en un sens, je me considère chanceuse d’avoir pu voir le Cachemire. D’avoir pu échanger avec des gens fabuleux qui vivent un quotidien rude. D’avoir pu admirer l’Himalaya entouré de champs de fleurs roses et jaunes. Ce sont, pour moi, les plus beaux paysages de l’Inde, je me les repasse en boucle sans cesse dans ma tête.
Et pour être tout à fait honnête, je rêve de parcourir le monde au complet : je veux tout voir et tout expérimenter. Même si c’était risqué, je ne regrette pas d’y être allée et je peux désormais faire un crochet à côté du Cachemire. D’ailleurs, je ne suis pas prête à abandonner de ma liste tous les pays potentiellement instables. J’ai désormais un gros attrait pour les régions moins fréquentées et mal aimées, car je suis certaine qu’elles sont des petits bijoux au secret bien gardé.
Si toi aussi tu rêves de visiter une région tristement affligée d’une situation semblable, voici ce que j’ai retenu.
4 choses que j’aurais aimé savoir avant de voyager au Cachemire en zone instable
1. Tout peut changer en un instant
Ces zones ne sont pas appelées «instables» pour rien. Une région qui était calme depuis des années peut devenir véritablement dangereuse en l’espace d’une journée. Pour bien prendre ta décision, renseigne-toi sur les situations géopolitiques des années précédentes ainsi qu’actuelles (en gros, ne pas faire comme moi).
Une fois informé, c’est important de se dire que personne ne peut prédire exactement ce qui se passera sur place. Si tu décides d’y aller, tu acceptes le fait que ça puisse tourner au vinaigre.
2. Pour certains, tu seras un portefeuille ambulant
Lorsque j’étais au Cachemire, les habitants n’arrêtaient pas de me vanter les bonnes années de tourisme qu’ils avaient eues par le passé… et qui sont aujourd’hui révolues. Étant donné que peu de voyageurs s’y rendent, j’ai vu un réel désir de la part des locaux de parler avec moi : ils étaient curieux et contents que j’aie choisi de visiter leur bout de terre adoré.
Par contre, le manque de tourisme laisse également un goût amer chez ceux qui le subissent. Il faut garder en tête qu’en tant que voyageur dans cette région-là, tu constitues souvent l’une des seules sources de revenus pour les travailleurs de l’industrie touristique. En gros, ces gens-là ont une pression énorme et ça peut vite se faire sentir.

3. Tu seras loin, très loin des sentiers battus
Se rendre en zone instable, ça veut également dire être en contact avec des cultures souvent plus méconnues et entendre des récits peu racontés. Je dois dire que j’ai trouvé une véritable source d’inspiration dans le Cachemire. Encore aujourd’hui, ça me fait noircir mes cahiers.
Tout ça m’a sensibilisée, aussi. Je tends l’oreille dès que j’entends parler de la région et j’épluche les journaux pour voir si on en parle, car maintenant, le Cachemire a pour moi un visage, plusieurs visages à vrai dire.
4. Ça pourrait tomber sur toi
En apercevant la cicatrice de balle sur le bras de mon guide de trek, j’ai compris que rien n’était sous contrôle. C’est là que j’ai réalisé que tous les habitants avaient énormément souffert durant ce conflit et que je ne pourrais jamais saisir totalement la situation.
Ce que j’en retire comme conclusion, c’est qu’en décidant de visiter une zone instable, tu t’exposes à des dangers réels, personne n’est invincible. Quand ça dégénère, ton envie d’aventure hors du commun qui t’a amené dans la région peut s’avérer un vrai cauchemar. En prenant connaissance de ça, tu dois fixer tes limites et te demander à quoi tu es prêt à t’exposer. Et ensuite, prendre la décision d’y aller ou non.
Moi, j’ai eu de la chance, je m’en suis sortie sans même une égratignure et avec tout de même de bons souvenirs de mon passage. Je peux dire que j’ai vécu quelque chose d’unique qui m’a profondément marquée et qui a fait de moi quelqu’un de plus conscientisé. Ça aurait pu finir autrement, et ça, il ne faut pas le perdre de vue.
Bonjour Florence, merci d’avoir porté à ma connaissance cette région magnifique, j’ignorais que ça ressemblait tant à mes montagnes ! Je vis en Haute-Savoie et je suis également Suisse.
Ton voyage me rappelle furieusement le mien mais il y a longtemps, c’était en janvier-février 1997. Je suis allée toute seule telle une aventurière (et inconsciente, j’avais 23 ans) au Niger, en plein Sahara, pour découvrir les Touaregs. A peine arrivée à Agadès, ne m’étant pas non plus du tout informée avant d’y aller et puis j’ai une nature assez candide, j’ai appris qu’il n’y avait plus d’avions car les rebelles touaregs faisaient la une dans le pays. Un Français avec moi, chef d’agence, est resté coincé quelques jours. Moi je devais rester 6 semaines donc ça allait mais bon. Puis les avions ont à nouveau été disponibles et moi je suis restée mais… j’étais à peu près séquestrée par le Touareg qui m’hébergeait (pour diverses raisons) : il me punissait en me laissant enfermée chez lui (sa maison et sa cour ceinturée par des murs en acier comme partout là-bas) et ce pendant 4 semaines. Il ne voulait pas m’emmener “en brousse” comme prévu (dans le désert). Heureusement, un autre Touareg passait le voir régulièrement et lui m’a sortie de là, je me suis en quelque sorte sauvée avec lui. J’ai appris entre-temps que mon sauveur faisait aussi partie de la rébellion. Je l’ai accompagnée en jeep et à un moment, à un barrage, on m’a prise fort heureusement pour une journaliste (ou alors c’est lui qui leur a raconté ce bobard. Dieu que j’étais innocente lol). Tu peux voir cette photo mémorable de moi avec une Kalachnikov dans le lien de ma signature sur mon blog, page a propos (enfin quand j’aurai rétabli le problème des photos non visibles que je découvre à l’instant gggrrrrr).
Une belle semaine à toi, j’adore ton blog et ton style d’écriture 🙂
Marjorie
Merci beaucoup ! Je suis super contente de pouvoir collaborer au projet Nomad Junkies. Le Cachemire est en effet une région magnifique, l’une des plus belles à mon avis (du moins de ce que j’ai eu la chance de voir du monde jusqu’à présent).Et wow…. ton histoire est vraiment impressionnante ! Ça a dû être plus qu’intense de vivre ça…un vrai thriller ! Penses-tu faire un projet d’écriture avec cette histoire que tu as vécue ? Bonne semaine à toi aussi 🙂
Merci pour l’article et pour les conseils 🙂
Cette destination fait vraiment rêver !
Madame, je suis au Rajasthan et prévoit de partir dans le Punjâb puis au Jammu-Cachemire pour un mois, en finissant par l’Himachal Pradesh. Je voyage seule. Des conseils, des lieux beaux, des idées ? Comment se déplace-t-on d’une ville à l’autre ? Possibilité de faire un bivouac ? Merci par avance. Ps : Vous êtes suissesse, ai-je pu comprendre… originaire de Genève, j’habite Paris !
Merci pour ces conseils précieux.
Bonjour florence,
Merci pour ton témoignage, il est bien de rappeler les risques des voyages dans cette région, qui comme tu le dis est au mieux instable.
Même si personnellement je n’ai pas eu de souci lors de mon voyage