Tout quitter, tout foutre là et parcourir le monde en vélo pendant quelques années? Pourquoi pas! En gros, c’est ce que Stephen Fabes s’est dit quand il a décidé de partir à l’aventure, il y a quelques années, tout en lançant son blogue Cycling the 6.
En dépit des hauts et des bas de son aventure, Stephen est un explorateur hors pair et une source d’inspiration pour plusieurs. En partant de l’Angleterre, il s’est rendu jusqu’en Afrique du Sud, puis a traversé l’Amérique du sud au nord pour ensuite parcourir l’Océanie et terminer avec l’Asie avant de rentrer à la maison.
Stephen, l’homme qui parcourt le monde à vélo depuis 5 ans, nous en apprend davantage sur son mode de vie nomade dans une entrevue pleine d’humilité et d’honnêteté.
Qu’est-ce qui t’a poussé à partir en voyage à long terme en vélo?
En 2009, je travaillais comme médecin dans un grand hôpital de Londres. J’aimais mon travail et la vie que je menais, mais j’aspirais à l’aventure. Depuis l’adolescence, j’avais envie de parcourir le monde en vélo tout en pensant que ce désir allait finir par disparaitre. Mais plus le temps passait, plus les pensées de ce voyage me hantaient.
À un moment donné, j’étais tellement habité par ce rêve que j’ai dû prendre une décision – qui n’était, soit dit en passant, pas facile à prendre. Je savais que si je partais, j’allais vivre avec moins de 10 $ par jour et que j’allais avoir très peu de contacts avec ma famille et mes amis. Mais en même temps, je ne voulais pas voir la vie passer devant moi ni avoir de regrets à propos de ce que j’aurais pu faire (tsé, le «could-should-would»).
C’est donc pourquoi, en janvier 2010, j’ai enfourché mon vélo et commencé à pédaler vers l’inconnu. J’étais enfin parti!

Après avoir pédalé un demi-kilomètre, je me suis arrêté dans un pub et je suis resté assis là pendant 4 heures à me demander dans quoi je m’étais embarqué! Soudainement, la tâche de pédaler autour du globe me semblait tout simplement impossible. Cependant, je n’arrivais pas à trouver une bonne raison de retourner à ma vie, alors je suis parti, dans la nuit, sur mon vélo. C’est là que tout a débuté!
Pourquoi avais-je donc cette envie de partir seul sur mon vélo comme ça? La réponse n’est pas simple, il y avait tellement de choses qui me poussaient à partir : j’avais un besoin d’aventure, de défi, d’apprendre du monde et de l’expérimenter d’une façon… intime!

L’attrait tout spécial de voyager à vélo est que ça te permet de te rendre dans des régions hyper-éloignées et presque inconnues. Ça te donne aussi l’option d’éviter de passer d’un endroit touristique à un autre, chose que tu le fais si tu voyages en utilisant les transports «normaux». Ça brise les barrières et nous rapproche des populations locales.
Ça te permet aussi d’aller lentement, à ton rythme, d’effectuer des transitions lentes entre un endroit et le suivant, entres les différentes découvertes que tu fais. Tu vois le paysage se transformer, tu vois les endroits se fusionner, évoluer, et tout ça depuis ton guidon. Selon moi, le vélo est simplement un des meilleurs moyens pour explorer un pays et ses merveilles en détail.

Y a-t-il un moment où t’as pensé flancher et quitter cette aventure?
Les pensées qui traversent ton esprit de tout quitter, de tout arrêter sont éphémères, même si elles sont puissantes. Les moments vécus les plus difficiles ont été quand j’ai dû pédaler dans un froid extrême – par exemple, lors de la traversée des Alpes (alors que l’Europe connaissait son hiver le plus froid depuis 30 ans), ou encore lors de la traversée hivernale du désert de Gobi en Mongolie et lorsque j’ai pédalé en Alaska, à l’intérieur du cercle polaire arctique.

Au début du périple, alors que je traversais l’Europe, j’ai dû retourner en Angleterre pour une chirurgie au genou. Ç’a été un dur moment : j’avais tellement investi dans ce voyage en vélo et tout d’un coup, ce rêve semblait être mis en péril. Malgré cette épreuve, je n’ai pas arrêté d’y croire.
J’ai laissé mon vélo à Istanbul, retraversé en sens contraire l’Europe en auto-stop, je me suis fait opérer et je suis retourné retrouver mon précieux outil de voyage pour repartir de plus belle.
Si tu rencontrais ton «toi» d’il y a sept ans, que lui dirais-tu du voyage qui s’en vient?
Bonne question! Je l’encouragerais à ne pas voir son aventure comme un tout, comme une ride de vélo de 6 ans (ça, c’est terrifiant!), mais plutôt de ne penser qu’au prochain petit bout qui s’en vient.
J’essaie de vivre plus dans le moment présent maintenant et de m’en faire moins pour ce qui s’en vient ou pour ce qui est du passé.

À un niveau plus pratique ou technique, je lui conseillerais de tenir plus assidument un journal de bord – c’est fou comme on oublie facilement! J’adore écrire à propos de mon long voyage sur mon blogue ou pour des magazines, mais je crois que durant la première partie de mon voyage, je n’ai pas assez pris note des détails de mes aventures et je le regrette un peu.
Ceci étant dit, je n’ai que très peu de regrets. Décider de partir comme ça en vélo fut la meilleur décision que j’ai jamais prise, même si parfois ou même souvent, ce n’est pas facile.

Es-tu tombé amoureux d’un endroit où tu te verrais t’établir?
Des endroits que j’ai aimés, il y en a des tonnes, mais je me verrais habiter dans aucun d’eux : dès que je passe une semaine dans un lieu quelconque, j’ai juste hâte de repartir pour découvrir ma prochaine destination!
L’appel de la «maison» est aussi beaucoup trop fort. J’ai besoin de passer du temps avec mes amis et ma famille – ça fait tellement (trop!) longtemps que je suis parti!

Voyager seul sur un vélo donne l’impression d’une grande liberté. Te sens-tu libre?
J’aime bien vivre simplement avec et sur mon vélo. J’ai relativement peu de biens, peu d’argent et quasiment pas d’horaire ou de deadline. Vivre dehors en tout temps, l’exercice et ces visages et endroits tellement peu familiers : tout ça m’a amené à me sentir plus vivant que jamais.

Je savoure l’imprévisible : le fait de ne pas savoir où je vais dormir le soir, le buzz que procure, le fait de transporter tout ce que je possède et ce dont j’ai de besoin dans mes paniers de vélo. Je savoure aussi et surtout cette liberté que probablement jamais je ne retrouverai.
J’ai dû prendre quelques grosses décisions et il m’en reste sûrement quelques-unes à prendre, mais j’ai du temps pour réfléchir, pour prendre la bonne décision. Voyager et vivre comme je le fais me donne l’opportunité de ne plus être pris dans ce «il-faut-que-je-prenne-une-décision-au-plus-vite-et-que-j’en-subisse-les-conséquences» qu’amène le lifestyle d’une vie sédentaire dans une grande ville. Et ça, c’est un bon feeling, un beau sentiment de liberté.
Revenir à la maison et retrouver un mode de vie «normal» va être difficile et je me vois probablement camper dans le jardin de ma mère pendant un certain temps!

As-tu encore la fougue du voyage?
En fait, pas tant! C’est inévitable que tu vives quelques burnout après avoir été sur la route pendant 5 ans. J’ai pédalé beaucoup, visité énormément de temples et vu un nombre incalculable de waterfalls : tout ça est merveilleux, mais à un moment donné, après 5 ans, ça revient presque du pareil au même, peu importe où tu es.
J’ai donc remédié à ça en donnant un autre but à mon voyage : faire découvrir mes aventures au monde entier de la façon la plus active et engageante possible. J’ai commencé à écrire et à donner des conférences. Faire tout ça, c’est un défi aussi difficile que celui de pédaler autour du globe.
Je visite aussi des organisations et projets médicaux qui aident les personnes marginalisées dans le besoin. C’est quelque chose qui me fascine et qui donne un nouveau sens à mon périple.

En bref, la leçon à retenir ici est que si tu as des down ou si tu te tannes, n’abandonne pas et AGIS pour remédier à ça!
Comment appréhendes-tu le retour? As-tu déjà un projet en tête pour la suite?
Je suis un peu mitigé face au retour, mais j’ai quand même très hâte d’être chez moi. Je crois que la clé pour bien vivre son retour après une si longue période d’absence est d’avoir un certain plan en tête. Arriver chez soi et se demander «bon, et maintenant?» n’est clairement pas la chose à faire, à mon avis!
Alors mon plan est d’écrire un livre, de retourner à ma profession de médecin à temps partiel, de rester actif et de partager le plus possible mon expérience à ceux qui désirent partir à long terme en vélo comme je l’ai fait. Je veux aussi inspirer et pousser les jeunes à partir à l’aventure, peu importe la forme de celle-ci.

Suis Stephen sur son blogue Cycling the 6, Twitter, Facebook et va explorer son Flickr pour des photos hallucinantes de son périple.
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Absolument génial !
Intéressant d’en savoir plus sur tes sources de revenu durant le voyage OU tes stratégies de gestion sur un si long parcours. Ton blog répondra peut-être à ces questions, j’y vais de ce pas 🙂
Génial, ces clichés nous donnent envie de nous évader 🙂