De l’incertitude, tout le monde en vit, que ce soit en voyage ou pas. C’est avec une incertitude grandissante par rapport à mon voyage que j’ai mis le pied en Thaïlande pour la première fois, après avoir visité Singapour, la Malaisie et les Philippines. Heureusement, j’avais une carte cachée dans ma manche : le numéro de téléphone d’un ami de ma famille et de sa femme, une Thaïe qui a vécu presque toute sa vie dans les environs de Chiang Rai, près de la frontière avec le Cambodge et l’un des nombreux locals que j’allais bientôt rencontrer.
Après un an à vivre une vie d’ermite afin d’économiser pour faire le tour du monde, j’ai commencé à zigzaguer en Asie… et je me suis aussi retrouvé avec un arrière-goût de doute par rapport à tout ça. Je n’éprouvais pas le plaisir que j’attendais, j’avais l’impression de juste cocher des éléments sur une liste, d’être là «parce que». Je ne connectais pas avec mon voyage, j’avais toujours la tête ailleurs, je ne vivais pas le moment présent.
En vérité, je crois que j’ai tout simplement fait les mauvais choix, parce que je voulais en voir le plus possible dans le temps que j’avais. Une erreur que beaucoup de voyageurs ont sans doute commise avant moi (ce n’est d’ailleurs pas la première fois que ça m’arrive). Je ne veux rien enlever à Singapour, à la Malaisie et aux Philippines, mais ce n’étaient clairement pas des pays que j’avais envie de visiter au moment où j’y suis allé. J’ai donc décidé de complètement changer mes plans et de m’envoler directement vers le Nord de la Thaïlande. Finie la bullshit. Là, je passais aux choses sérieuses!
Direction le milieu de nulle part!
Après seulement deux jours à Chiang Mai, j’ai enfilé mon sac à dos et je suis parti à Chiang Rai avec l’intention d’aller visiter mon ami et sa femme (appelons-les respectivement C et P, pour préserver leur anonymat).
En arrivant à mon auberge, quand j’ai dit à l’un des gars qui partageait mon dortoir que je n’étais pas en chemin vers le Laos, il m’a répondu « What the fuck are you doing here, then? »
C’est que Chiang Rai n’a pas une très bonne réputation auprès des voyageurs. On m’a souvent raconté que c’est une ville dans laquelle on ne s’arrête que pour aller visiter son célèbre temple blanc. À part ça, il n’y a apparemment rien à y faire.

Des expériences inoubliables à n’en plus finir
Pourtant, j’ai passé plus d’une semaine à Chiang Rai et je ne me suis pas ennuyé une seconde. Et ça, c’est grâce à mon accès privilégié à la vie des locals. Entre les balades en scooter dans les champs de riz ou dans les montagnes, les nombreuses soirées arrosées où j’avais l’impression d’être une célébrité et la délicieuse bouffe locale (et un bon bouilli de porc à la québécoise, pour bien équilibrer le tout), il n’y a pas un instant où j’ai souhaité être ailleurs.
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J’ai appris plus de mots en thaï en une semaine que j’en ai appris en malais et en tagalog en un mois. C’est sûr que quand tu dis 60 fois « sawadee krap » (bonjour) et au moins 200 fois « chon kéow » (santé ou cheers, si tu préfères) dans la même soirée, ça rentre vite! C’est pas dans une auberge de jeunesse que j’aurais pratiqué comme je l’ai fait dans cette maison en campagne, bondée de fermiers qui ont passé leur vie entière à cultiver les champs de riz qui s’étendent du bord du terrain jusqu’à l’horizon.

Je me suis fait offrir un bracelet bouddhiste après un rituel mené par P pour chasser les pensées négatives de mon esprit et attirer les bonnes. J’en ai appris un peu plus sur les coutumes locales, notamment sur les traditions entourant la naissance d’un bébé (trust me, c’est trop compliqué pour que je te l’explique ici), puisqu’il y avait un nouveau-né dans la maison. J’ai goûté à de l’eau-de-vie produite localement (et illégalement!), sans parler de tous les fruits, mets et snacks qu’on m’a offert et dont j’ignore complètement les noms.
J’ai eu des discussions pas très profondes dans une langue à mi-chemin entre l’anglais et le thaï pendant un souper de famille. Je me suis fait piquer par des fire ants. J’ai improvisé un concert de guitare. Je me suis fait donner un collier de fleurs. J’ai assisté à l’un des plus beaux couchers de soleil de ma vie. J’ai vu un serpent (!!!). J’ai passé la tondeuse pour la première fois de ma vie (I know…). J’ai souvent souri et j’ai beaucoup ri.
La générosité des inconnus : loin d’être un mythe
Ça a aussi été l’occasion pour moi de découvrir cette fameuse générosité sans borne dont certains inconnus font bénéficier les voyageurs. Si tu voyages un peu, c’est sûr que t’as déjà croisé un autre voyageur qui t’a raconté qu’il était pogné au milieu de nulle part un soir, parce que tous les hôtels du petit village où il se trouvait étaient pleins ou fermés. Et of course, y’a quelqu’un qui est apparu comme par enchantement et qui lui a offert de l’héberger chez lui et de lui faire à manger.
La plupart du temps, ces histoires-là se terminent par : « Le plus fou là-dedans, c’est que cet inconnu-là avait pas une cenne, mais qu’il a refusé tout l’argent que je lui offrais en retour. » Je suis à peu près certain que n’importe quelle des personnes que j’ai rencontrées pendant mon bref séjour dans la campagne auraient pu être cet inconnu. Du monde qui n’a pas une cenne, mais qui est plus généreux que bien du monde que je connais (je m’inclus là-dedans), y’en avait au pied carré dans la campagne de Chiang Rai.

Je repars de là complètement ressourcé, avec le sentiment que mon voyage est enfin commencé. Je ressens aussi une bien plus grande connexion avec la Thaïlande, ses coutumes, ses traditions, ses façons de faire et, surtout, ses habitants, que si j’avais poursuivi mon périple dans des auberges de jeunesse. Et tout ça, c’est grâce à C et P, leur famille et leurs amis. C’est la gorge nouée et les yeux humides que je leur ai dit au revoir après les avoir remerciés mille fois (ce n’était pas encore assez, selon moi) de m’avoir accueilli ainsi.
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Rencontre un local et regarde les portes s’ouvrir
C’est ça, l’importance des locals. Les locals peuvent t’ouvrir la porte d’un pays, d’une culture, d’une langue, d’une maison. Les locals, c’est la clé qu’il manque souvent aux voyageurs (je m’inclus là-dedans) pour vraiment vivre un pays. En tant que voyageurs, on vit souvent dans une bulle dans laquelle on se retrouve parce qu’on ne côtoie que des voyageurs, parce qu’on vit dans des auberges ou des hôtels pleins de voyageurs et parce qu’on suit souvent des routes que d’autres voyageurs ont tracées avant nous.
C’est pas si facile que ça de rencontrer des locals et, pour la plupart d’entre nous, ça n’arrive pas souvent dans un voyage. Mais si t’as la chance d’en croiser un qui t’ouvre une porte et que ton instinct te dit que t’as rien à craindre, franchis cette porte. Tu vas voir : quand tu vas ressortir, tout ce qu’il y a à l’extérieur va te paraître plus vivant qu’avant.
Merci (plus que mille fois) C et P.
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Article totalement vrai ! Je suis au Pérou depuis trois mois (pour encore 8mois) et je n’ai fait que des rencontres extraordinaires. En me baladant dans un parc, j’ai rencontré un type qui vendait des chocolats, il m’a demandé d’ou je viens, et on a commencé à parler. Au final, il m’invite à une soirée avec ses amis le soir meme. J’y suis allée, et depuis ce sont tous mes amis, ma bande. Un peu naive de base, j’ai tenté l’aventure, mais ca vaut le détour ! Grace à eux, j’ai developpé mon espagnol et découvert des endroits ou je ne serais jamais allée avec “de simples touristes ou voyageurs”. Ce sont les locaux ou locals comme tu dis qui t’impregnent de la culture. Voyager, visiter c’est bien, mais s’imprégner de la culture, c’est magique !
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