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Lettre à toi, qui rêve de devenir explorateur

«Comment devient-on explorateur?» Cette question, un peu naïve, c’est la petite Lorélie qui l’a posée dans une lettre à un grand voyageur du nom de Pascal Guillaume.

Pascal était guide chez Karavaniers, une agence de voyages d’aventure. Il se spécialisait dans les voyages en Asie, où il rejoignait l’un de ses amis dans un café de Katmandou pour élaborer des trajets assez irréels.

Ce défunt guide et érudit a un jour reçu une lettre de Lorélie, qui souhaitait devenir exploratrice et rencontrer Bernard Voyer, un explorateur Québécois qui a notamment gravi l’Everest et traversé les deux pôles. La mère de Lorélie connaissait Pascal, un «vrai explorateur». Lorélie a donc pris le temps de lui écrire une lettre et de la lui envoyer outremer.

La réponse de Pascal à la question «comment devient-on explorateur?» est plus que fantastique. Elle nous transporte dans un univers magique, surtout pour l’imagination d’un enfant, celui du voyage.

Pascal - Comment devenir explorateur? - Nomad Junkies
Photo : Karavaniers

En mémoire de Pascal, l’un de ces « explorateurs modernes » qui m’a donné le goût de l’aventure, de l’exploration et de la découverte, voici donc l’intégralité de sa réponse à Lorélie.

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Lettre d’un explorateur à une exploratrice en herbe

Ubud (centre de l’île de Bali), Indonésie

Bonjour Lorélie,

Je voudrais d’abord m’excuser pour le long délai entre ta lettre et ma réponse. J’aurais voulu t’écrire plus tôt. Mais voilà, mon ordinateur est tombé en panne. Je ne sais pas pour toi, mais moi je suis plutôt mauvais dans ce genre de chose, alors il a bien fallu aller le faire réparer.

Si tu le permets, je vais d’abord te parler un peu de moi. Pour que tu me connaisses mieux. C’est que ta question est difficile. Tu vois, je ne sais pas si je suis un vrai explorateur. Tu jugeras par toi-même, mais j’ai beaucoup voyagé.

Le voyage, un cadeau à déballer

J’ai toujours adoré être ailleurs. Ailleurs, pour moi, c’est lorsqu’on regarde quelque chose et qu’on ne reconnaît rien. C’est un peu comme déballer un cadeau. On sait qu’on y trouvera certainement un truc qui nous plaira beaucoup, mais on ne sait pas encore ce que ça sera. On ne sait rien de sa couleur, de son odeur. On sait seulement que ce sera bon de découvrir tout ça. Un voyage, c’est pareil à un cadeau.

Mon grand cadeau à moi, c’était l’Asie. Si tu regardes une carte géographique, tu verras de quoi je parle. L’Asie, c’est cette grande masse qui prend toute la place. Regarde à droite, elle est là. Pour moi, c’est la plus belle.

Regarde au centre comme les montagnes sont hautes et nombreuses (cherche l’Everest si tu veux; j’étais juste en face d’elle le mois dernier). Regarde au nord comme les déserts s’accumulent jusqu’à n’être qu’un grand carré de sable entre la Chine et l’Europe. Regarde aussi un peu plus bas, sur l’équateur (c’est cette ligne qui coupe la terre en deux). Il y a là-bas un vrai délire d’îles. Elles sont partout, comme des pierres qu’on aurait jetées à l’eau.

C’est depuis l’une de ces îles que je t’écris. Si tu regardes bien, tu vas sans doute la voir. Elle est toute petite. Il y a l’île de Java, comme un grand doigt tout droit, tout horizontal et, juste à côté, juste à l’est (donc à droite), il y a un point minuscule. C’est là. C’est Bali.

Je t’écris depuis le centre de l’île et tu sais ce que je vois depuis la fenêtre? Eh bien je vois des rizières qui tombent comme des terrasses, je vois des canards un peu drôles qui se dandinent la queue à vouloir les traverser et puis, tout au fond du paysage, derrière les cocotiers et les arbres de la jungle, eh bien je vois des volcans.

Indonésie - Comment devenir explorateur? - Nomad Junkies
Photo : @nomadicsafia

Peut-être que tu sais déjà à quel point c’est beau un volcan. C’est une montagne qui a poussé toute droite, comme un triangle. Certaines crachent du feu. La mienne, celle de ma fenêtre, elle ne sait que cracher des nuages. Personnellement, je préfère. C’est plus joli.

L’Asie, c’est comme le chocolat

Je ne peux pas t’expliquer pourquoi il a fallu que je vienne de ce côté du monde et pas ailleurs. C’est comme ça. Est-ce qu’on sait pourquoi on aime le chocolat?

Au début, j’avais posé sur mes murs toutes sortes de cartes. Celle de la Chine. Celle de l’Inde. Celle de l’Iran. Si tu regardes encore la carte géographique, tu pourras les trouver aussi. Regarde bien. La Chine est immense. L’Inde est un triangle inversé qui pointe vers l’océan. Et l’Iran est ce grand désert entre l’Afrique et l’Europe.

Ce qui était bien de mes cartes sur les murs, c’est que je m’arrêtais souvent pour les regarder. Et, à chaque fois, un petit nom me sautait à la figure. Des noms qui sonnaient déjà comme des voyages : Taj Mahal, Angkor Wat, la Grande Muraille, Samarcande, Everest, tout ça (tu peux t’amuser aussi à les trouver). Alors j’ouvrais des livres pour savoir ce qui se cachait derrière ces drôles de mots tout neufs. C’est beaucoup comme ça qu’on devient peut-être un explorateur. En regardant les cartes et en lisant sur les mots qu’elles contiennent.

Chine - Comment devenir explorateur? - Nomad Junkies
Photo : @nomadicsafia

Quand les cartes prennent vie

Et puis, un jour, on est prêt. On prend l’avion et on s’en va. J’ai donc été en Chine. Plus d’une année. Là-bas, il y a un milliard de chinois. C’est beaucoup, tu me diras. Le plus drôle c’est que dans les campagnes, vers les montagnes, dans les déserts qui sont immenses, on ne voit presque personne. C’est plutôt bien.

Et puis, j’ai été en Inde. Quel bonheur! Tu crois qu’il y a de la couleur au printemps lorsque les arbres renaissent et que les feuilles repoussent? Eh bien tu n’as encore rien vu! En Inde, il y a des couleurs qui n’existent pas ailleurs. Le rouge est plus rouge, le bleu plus profond, le vert plus tendre. C’est peut-être justement pour ces couleurs plus nombreuses que j’y suis resté deux ans.

Et je suis allé en Iran. Ne lis pas trop les journaux des adultes sur l’Iran. Souvent, ils ne savent pas rêver. C’est un terrible défaut. Donc, ils se trompent. L’Iran est un endroit où je n’ai presque jamais pu dormir à l’hôtel tellement les gens sont accueillants. Imagine un peu. Un inconnu passe sur ton jardin et tu l’invites à rester. C’est bien non? À tant dormir chez les autres, on ne bouge pas très vite. Ce qui fait que je m’y suis promené longtemps aussi.

Tous les paysages du monde

J’ai donc passé presque dix ans en Asie. J’ai traversé quelques déserts, parfois même sur des chameaux. J’ai marché vers des villages où les gens étaient si surpris de me voir venir qu’ils allaient tous se cacher d’abord, avant de sortir peu à peu comme un chat qui s’habitue. Mais, ensuite, on échangeait ensemble nos collations puisqu’il est bon de partager. Pour moi c’était du chocolat (eh oui!), pour eux du beurre, du fromage ancien, du gras de queue des moutons, même parfois des cervelles de moineaux (eh oui!). Tu me croiras si tu veux, mais certaines de ces étrangetés étaient presque aussi bonnes que mon chocolat. Je n’en revenais pas.

J’ai souvent choisi de grimper des montagnes, avec un lourd sac sur le dos, quelquefois avec un piolet et des crampons. J’ai aimé trouver des plages tellement vides que c’étaient les oiseaux qui venaient en foule comme un dimanche de vacances.

Certaines routes traversaient des jungles si denses que le soleil perçait à peine le grand rideau des feuilles et, pourtant, tout au bout du chemin, très loin des villages, on trouvait une ruine extraordinaire, des tours avec des visages qui regardaient, des bas-reliefs profonds et des lianes qui passaient le long des murs.

Indonésie - Comment devenir explorateur? - Nomad Junkies
Photo : @nomadicsafia

Il m’est arrivé de marcher quinze jours sur une rivière complètement gelée, entre des montagnes serrées, et voir passer des gens qui se servaient de ce chemin depuis mille ans. Il me semble qu’il se déballe toujours, mon cadeau de l’Asie. Et tous les jours.

Suis-je un explorateur?

Voilà donc un peu ce que je fais. Est-ce assez pour que tu me dises «explorateur»? Tu jugeras par toi-même. Moi, je ne sais pas. Le mot que j’aime le plus, c’est «voyageur». Il me semble qu’il est plus simple et sans doute plus doux. J’ai aimé ce mot à partir du moment où j’ai su ce qu’il voulait dire vraiment dans plusieurs pays d’Asie.

Explorateur - Comment devenir explorateur? - Nomad Junkies
Photo : Karavaniers

Écoute bien. On dit que voyager c’est être «amoureux du vent». N’est-ce pas merveilleux? Le vent se lève et tu pars avec lui. Le vent tombe et tu t’arrêtes aussi. Et, lorsque le vent reprend, tu repars encore vers une direction nouvelle. Je ne peux pas mieux te le dire. Écoute, le soir, le vent siffler. Voyager, je crois, ressemble beaucoup à un chemin pour le suivre.

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Comment devient-on explorateur?

Mais ta question? Ne t’inquiète pas, je n’ai pas oublié. Je crois à présent même pouvoir te répondre. On se connaît mieux.

Dis-toi d’abord qu’on ne devient jamais riche à être explorateur (ou exploratrice). Ce n’est pas possible. Je n’en connais pas. D’ailleurs, ce n’est pas vraiment important. N’écoute jamais ceux qui disent que la richesse est dans les mains, que c’est de l’argent seulement et donc que ce sont des trucs qu’on achète.

La richesse qu’on obtient en voyage est différente. C’est une richesse dans la tête déjà. Toutes les images, toutes les aventures, tous les enseignements.

Et si on devient sage (je ne suis pas encore là), on peut aussi être riche de cœur. Ça, c’est plus dur. Ça prend plus de temps.

La grande vérité, c’est qu’en voyage on comprend que les hommes sont bons. Presque tous. Les mauvais, on les retrouve dans les journaux des adultes. Ne les lis pas, c’est inutile.

Toute cette bonté qu’on regarde vivre permet donc la plus grande richesse de toutes : l’absence de préjugés (ça c’est un mot terriblement triste). Regarde dans le dictionnaire si tu veux. Ça veut dire juger sans connaître. Comme si quelqu’un décidait de ne pas t’aimer sans jamais t’avoir vu. C’est bête, non? Le malheur, c’est que cette maladie est répandue.

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Mais il faut quand même un peu d’argent. Alors, comment? Tu m’as écouté assez longtemps. Je te fais une petite liste.

7 façons de gagner de l’argent pour te permettre de voyager longtemps:

1. Avec des conférences

C’est-à-dire revenir à la fin d’un voyage et présenter celui-ci aux autres. Il est nécessaire alors de prendre de jolies photos ou de faire un film. C’est un peu comme un exposé oral, sauf que le sujet nous intéresse beaucoup plus et on le connaît bien.

2. Par l’écriture

C’est-à-dire écrire des articles pour les journaux sur nos voyages. On peut même écrire un livre. Le grand avantage, c’est qu’on n’a plus besoin de revenir. On peut écrire d’ailleurs (comme moi depuis Bali). C’est une jolie façon. Elle m’est bien utile.

3. En guidant des groupes de voyageurs

C’est-à-dire qu’on permet à d’autres, moins habitués à l’Asie, par exemple, de voyager avec nous. Ça, c’est plutôt bien. On se fait des amis. Et on peut leur partager ce qu’on connaît des autres pays et donc leur en apprendre beaucoup. Lorsqu’on ne guide pas, on continue d’explorer pour nous. C’est une façon que j’utilise beaucoup (j’étais donc à l’Everest pour guider le mois dernier).

4. Par le commerce

Chaque pays possède des produits uniques. Par exemple, au Canada, on fait de l’excellent sirop d’érable (moi, j’adore!). Il est donc possible d’acheter ailleurs (à Bali par exemple) les belles choses de l’endroit (tissus, statues, meubles, bijoux, livres, etc.) et de les revendre au Canada. C’est une bonne façon de rester ensuite à l’étranger.

5. Grâce à un travail à l’étranger

Il y a de plus en plus de métiers qui permettent les longs voyages. Médecin ou infirmier, par exemple. Enseignant aussi. On obtient alors des contrats de quelques années dans un pays lointain (l’Inde, par exemple). Le plus beau de l’histoire, c’est qu’on a alors le temps de très bien connaître la culture, d’apprendre la langue, d’explorer en profondeur une région.

6. Par du travail volontaire

«Volontaire» veut dire qu’on ne sera pas payé (mais qu’on sera logé et nourri). Il s’agit de quelque chose de très beau puisqu’il est question alors d’aider des régions et des gens en difficulté. Beaucoup d’endroits sont magnifiques, mais très pauvres. Le temps passé à aider (et ça peut se faire de multiple façons) est tout sauf du temps perdu. Là encore, on se donne l’occasion de très bien connaître une région, une langue, une culture. C’est une façon peut-être d’être rapidement riche de cœur.

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7. Grâce à un métier (au Québec) qui permet de longues absences

Certains métiers permettent qu’on parte longtemps. Par exemple : professeur ou douanier. On travaille alors quelques années assez fort. Puis on s’absente peut-être un an, peut-être six mois, afin d’explorer le monde. Lorsqu’on revient, on reprend notre boulot d’avant.

Il en existe peut-être d’autres. Mais, celles de ma liste permettent de partir longtemps. Et, comme explorer prend toujours beaucoup de temps, un explorateur ne doit jamais être pressé.

J’espère avoir répondu à ta question. Mais surtout, j’espère avoir pu permettre que tu continues un peu à rêver à tout cela. Car c’est un beau rêve que tu as. Peut-être le plus beau.

Je te propose un truc. Pose toi aussi des cartes du monde sur les murs de ta chambre. Regarde-les tous les jours. Apprends avec elles les pays, les villes, les montagnes, les déserts, les océans. Tout ça. C’est comme à chaque fois nourrir ton rêve.

Et c’est déjà, je crois, être un peu exploratrice.

-Pascal

Tu n’es plus là pour lire ces mots, Pascal, mais merci sincèrement! Tu as apporté du bon même au-delà de ton travail. Tu as transmis ton savoir. Merci! Et ce partage n’est qu’une infime partie de ce que tu as donné. C’est tout à ton honneur.

Toi aussi, tu as rencontré un « explorateur » qui a changé ta vie? Qui sont ceux qui t’ont inspiré à voyager?

Marc-Antoine Charettehttps://youman.ca/
Entre les plages paradisiaques des Fidji et certains des plus hauts sommets du continent sud-américain, ma vie de Marc-Antoine oscille entre ciel et mer! Je partage ma vie entre mon emploi d'agent de voyages d'aventure et des balades qui sont loin d’être pour les faibles. Vous me croiserez peut-être bientôt au sommet d'une montagne enneigée!
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